Nouvelles procédures de dédouanement : avancées et conseils aux opérateurs
Affaires - Transport
22/10/2024
Les évolutions des procédures douanières dans le cadre de la refonte de l’import-export sont exposées par la DGDDI et l'ODASCE notamment, lors du Symposium Douane du magazine Classe Export qui s'est tenu le 3 octobre 2024 à Lyon. Outre bien sûr des conseils aux opérateurs, sont abordés ou rappelés les points suivants : le contexte, le calendrier, l’importance du chainage – et donc de la fiabilité de la donnée – et les évolutions concrètes.
Contexte pour mémoire
Le contexte de la refonte de l’import-export est rappelé par Catherine Amandio, la déléguée générale de l’ODASCE. Les nouvelles procédures douanières en 2024 constituent bien sûr des évolutions techniques informatiques mais, derrière la technique, ce sont avant tout les exigences de la réglementation qui sont mises en place : le Code des douanes de l’Union (CDU) et ses textes d’application prévoient une rationalisation, une harmonisation, une simplification des procédures douanières et tout cela par la dématérialisation de celles-ci. L’objectif est que les échanges entre les Douanes et les opérateurs et entre les Douanes elles-mêmes (et même, si on ajoute d’autres textes, entre les Douanes et d’autres administrations) se fassent de manière informatique. L’idée est de fluidifier les échanges sans papier (même s’il reste des cas d’utilisation parfois) pour aller dans le sens d’un commerce mondial en augmentation. Ces textes ont débouché sur un planning européen de développement informatique, les SI douaniers, de 2016 à 2025. On est « censé » avoir un environnement totalement dématérialisé au 1er janvier 2026. À cette fin, l’UE a créé un programme de travail informatique avec 17 systèmes qui devaient être développés depuis 2016. Et certains l’ont été comme REX, CDS pour la demande des autorisations douanières, ou PoUS en mars 2024 pour la dématérialisation des T2L ou T2LF. Ce programme de travail est établi selon la fonction et le moment, que l’on soit en dédouanement, en demande d’autorisation (il est accessible avec les échéances sur le site de la Commission : voir UCC Work programme). L’objectif est la création d’un écosystème douanier dématérialisé, interconnecté et interopérable. Pourquoi ? Parce qu’actuellement chaque État membre à ses SI ; il y a parfois des interfaces via un hub européen, mais il n’existe pas de réelle interopérabilité entre les systèmes. Or le CDU prévoit cette interopérabilité pour le dédouanement. Pour faire du dédouanement centralisé communautaire (DCC), il faut que les systèmes se parlent. Et pour la partie interopérabilité entre les administrations, il faut un guichet unique européen (on avait déjà un guichet unique en France, mais un tel guichet doit exister au niveau européen). Donc, un ensemble de systèmes doit se parler pour des raisons réglementaires de fluidification. Ces systèmes étant développés entre 2016 et 2025, un suivi, une veille réglementaire sur leur mise en place est nécessaire pour s’assurer de la date des changements.
Il existe aussi des développements au niveau européen, ce qu’on appelle les systèmes transeuropéens : des systèmes sont développés au niveau de l’UE auxquels les États membres se connectent directement. D’autre systèmes sont développés au niveau national dans chaque État membre. C’est pour cette raison qu’il faut suivre ce qui se passe au niveau national et savoir comment la France met en place ce programme européen, le suivi devant être assuré en continu (pour la France, voir par exemple sur le site de la DGDDI le dossier « comprendre la refonte import-export et s’y préparer »).
Calendrier global : point d’étape et retard
La France, comme les autres États membres, cherche bien sûr à respecter le calendrier de la Commission dont le terme est fixé à fin 2025. Mais en pratique, indique Michel Baron, le chef de bureau du bureau de la politique du dédouanement à la DGDDI, certains États dont la France ont pris « un peu de retard » : la trajectoire du travail informatique s’échelonne jusqu’en 2027. Beaucoup de choses ont déjà été faites sur les 17 systèmes d’information qui doivent être mis à jour, voire créés. On a différents systèmes d’information qui concernent différents sujets :
l’avant-dédouanement (toutes les formalités préalables à l’arrivée des marchandises sur le le territoire douanier de l’Union, le TDU, mais également leur prise en charge avant l’attribution d’un régime douanier, ce qu’on appelle l’ICS2) et le dépôt temporaire avec un nouvel outil douanier français pour permettre le suivi de ces formalités d’avant-dédouanement de la présentation de la marchandise jusqu’à l’attribution d’un régime douanier ;
le transit, qui lui aussi évolue dans la mesure où il s’agit d’un système transeuropéen (naturellement, il concerne l’ensembles des États membres et les pays membres de la Convention de transit commun) ; c’est un système européen qui évolue parce que les règles de messages, de gestion, la dématérialisation progressive du transit conduisent à ce que chaque État membre adopte un système national de transit qui soit en phase avec les règles de l’UE.
La difficulté, précise Michel Baron, tient à ce que l’UE n’a pas jusqu’à présent conçu un système informatisé global, comme cela sera le cas dans le cadre de la réforme de l’Union douanière (avec celle-ci dans 10 ans, il n’y aura plus cette grande diversité de système d’information). Aujourd’hui, l’UE comporte près de 110 systèmes partagés par l’ensemble des États membres, « ce qui est beaucoup ». La France dispose de beaucoup de briques nationales, soit qui fonctionnent en tant que tel, soit qui fonctionnent en lien avec des systèmes transeuropéens : le transit, l’avant dédouanement (ICS), le DCC. Pour que les systèmes transeuropéens fonctionnent, il faut que chacun des États membres adapte ses systèmes d’information aux règles de gestion mises en place par l’UE : cela concerne l’avant-dédouanement, le transit, moins l’importation en ce sens qu’on a un système de dédouanement (dont les évolutions sont présentées ci-après) qui « vit sa propre vie ». En revanche, celui-ci est nécessairement lié aux autres États membres dès lors qu’à l’importation on bénéficie d’un DCC. Si ce dernier existe, il n’y a en revanche pas de système d’interconnexion entre les États membres, de sorte qu’il se fait de manière « très artisanale » (les échanges de messages ne se font pas via un système transeuropéen, mais par des échanges de mail, ce qui ne facilite pas le développement du DCC tant à l’import qu’à l’export). À l’exportation, « on a le même sujet », poursuit Michel Baron, avec en plus celui de l’exportation suivie de la sortie de la marchandise du territoire douanier de l’Union (TDU) pour avoir le quitus fiscal (ainsi, par exemple, pour une marchandise dédouanée en Allemagne et qui sort par un port français, la Douane allemande doit savoir qu’elle a bien quitté le TDU depuis ce port). De la même manière, en matière de sûreté-sécurité, des obligations à l’exportation doivent être vérifiées au moment où la marchandise quitte le TDU. Donc la programmation de travail est beaucoup chainée aux exigences communautaires pour le fonctionnement de système d’information qui doivent communiquer avec les autres États membres. Et si la France a pris aujourd’hui un peu de retard, « c’est précisément parce que la Douane française a privilégié les blocs les plus importants », et donc l’importation, explique Michel Baron. C’est sur ce point qu’elle a besoin de rénover ses systèmes, parce que ceux existants, comme Delta G pour le fret cargo et Delta X pour le fret express, ne sont « pas raccord » pour certaines règles avec les dispositions du CDU : la DGDDI a privilégié par conséquent de développer en priorité l’outil présenté ci-après. C’est certes « un peu au détriment » d’autres systèmes qui eux sont très importants pour les autres États membres dans la mesure où, par exemple, un pays très exportateur comme l’Allemagne, s’il ne dispose pas de tous les ports pour sortir sa marchandise de l’UE a besoin de s’appuyer sur les systèmes d’information des autres États membres de sortie de cette marchandise déclarée à l’exportation en Allemagne ; or, c’est précisément sur ces projets là que la France est « à la peine aujourd’hui » et donc « pas spécialement en avance ».
En tout état de cause s’agissant du calendrier, Michel Baron souligne pour l’ICS, les formalités avant l’arrivée de la marchandise à des fins de sureté et de sécurité, que la France sera « à l’heure par rapport au programme de travail de l’UE », c’est-à-dire que pour toutes les formalités qui relèvent du transporteur aérien, maritime ou routier ferroviaire, à la fin de l’année 2025, le système d’information de la Douane sera capable d’intégrer les déclarations sommaires d’entrée déposées par les transporteurs (avant même que la marchandise arrive sur le TDU) et également les formalités de présentation de la marchandise lorsqu’elle entre sur le TDU, lorsqu’elle est déchargée, et ensuite sa prise en charge au titre du dépôt temporaire à travers une déclaration de dépôt temporaire. Il a été commencé par l’aérien, puis poursuivi par le maritime et l’on terminera en 2025 avec les flux routiers et ferroviaires et la connexion avec le SI Brexit. Dans le cadre ces briques de l’avant-dédouanement, à la fin du 3e trimestre 2025, la France sera donc au rendez-vous.
S’agissant du transit, une nouvelle version sera mise en service dès la fin octobre 2024. Les systèmes européens évoluent parce qu’ils visent à finaliser le programme de travail de l’UE et une autre version du transit arrivera en 2025 et permettra le chainage : en effet, bien qu’il existe de très nombreux outils informatiques, l’objectif in fine est de faire en sorte qu’il y ait des chainages dans les opérations, explique Michel Baron. De l’avant-dédouanement à l’importation, il faut un chainage qui aujourd’hui n’est pas vraiment assuré : une marchandise peut obtenir un bon à enlever lors du dépôt d’une déclaration de mise en libre pratique alors même que cette marchandise est encore sous contrôle au titre d’une formalité antérieure. Or, c’est une chose à laquelle il doit être mis fin, l’objectif étant de faire en sorte, tant que la formalité n’a pas été terminée et que l’opérateur est en situation régulière vis-à-vis de cette formalité, que la formalité suivante ne puisse pas être clôturée tant que la formalité précédente ne l’a pas été.
Sur l’importation, dès 2021 a été mis en place le dispositif de la déclaration H7 (ce qui correspond au jeu de données en matière de e-commerce imposé par le CDU, AD). Fin novembre 2024, une nouvelle version sera livrée à l’importation pour le fret cargo te le fret express (Delta IE, volet importation) avec une première version, sachant que compte tenu de la complexité des systèmes, la Douane a fait le choix de livrer une version qui ne soit pas régressive par rapport aux systèmes existants mais qui n’embarque pas nécessairement tout de suite l’ensemble des formalités ou des facilitations que prévoit la réglementation communautaire. Ainsi, la première version de Delta Import ne comportera pas l’ensemble des formalités attendues par le CDU : elles arriveront ultérieurement. La DGDDI versionne donc ses mises en service pour être au rendez-vous réglementaire et se laisser le temps de développer des fonctionnalités supplémentaires, notamment l’inscription dans les écritures du déclarant (ou IED qui aujourd’hui n’existe pas, bien que prévue par la règlementation communautaire, mais arrivera dans une version ultérieure ; voir l’encadré ci-dessous). S’agissant d’une importation avec le DCC qui permettra une déclaration dans un bureau en France avec un bureau de présentation en Grèce, en Lettonie ou au Portugal, la brique/l’outil français permettra de communiquer avec les systèmes à l’importation grec, letton ou portugais, ou sera en place mi-2026 dans la première version également.
Le « gros morceau » en 2024 demeure la mise en service de Delta Import et on y arrive en novembre 2024. La montée en puissance sur l’avant-dédouanement se fait relativement lentement : le système national ICS2 raccordé à la base centrale européenne et le système d’avant-dédouanement (ANTES) sont des systèmes qui fonctionnent uniquement en EDI, ce qui veut dire chaque prestataire EDI, chaque opérateur qui a une solution EDI, doit être auparavant certifié par la Douane (et c’est en cours, sur l’avant-dédouanement, voire quasiment terminé), mais il faut aussi que ces opérateurs puissent ensuite aller vers leurs clients pour que ceux-ci puissent à partir du jeu de données les pousser dans la solution EDI et le pousser dans le système informatique construit par la Douane.
Priorité à l’importation. Catherine Amandio explique cette priorité retenue en France par les flux que connait ce pays, et donc plutôt l’importation ; d’autres pays ont fait des choix de développer plutôt l’export et la France peut donc être en décalage, ce que confirme Sandra Francerie-Deliau, l’adjointe de Michel Baron. Cette dernière explique ce choix aussi par le fait que « d’un point de vue national, l’importation c’est plus compliqué » (règles de taxation, régimes particuliers, etc.) et que la Douane en a donc déduit plus de travaux à mener pour adapter les systèmes Delta G et X existants au futur applicatif. À quand l’IED ? « Il ne faut pas l’attendre pour 2025 », selon Sandra Francerie-Deliau. La Douane est en train d’étudier ce que seront les futures versions après le futur Delta Import de novembre 2024 et il y a d’autres priorités avec un autre système de garantie au niveau communautaire qui devra être interconnecté avec les systèmes nationaux. La douanière souligne qu’aujourd’hui l’IED est possible dans Delta G uniquement pour les opérateurs qui bénéficiaient d’autorisation d’entrepôt de type D sous l’empire du code des douanes communautaire (CDC). Ce type d’entrepôt ayant disparu avec le CDU, la DGDDI a accepté qu’on crée « une sorte d’IED qui n’en est pas une », puisqu’on crée une déclaration en douane IMZ en fin de journée et qu’il n’y pas de notification de présentation, etc. Cela correspond en pratique à une quarantaine d’autorisation et c’est donc marginal. Il a été prévu pour implémenter dans Delta G ces autorisations de les transcrire tel quel dans le futur Delta Import.
Enfin, à l’exportation, la France a du retard par rapport à certains États membres et va revoir son dispositif à la fin 2025. Cela prend « un certain temps », explique le chef de bureau du bureau de la politique du dédouanement : il faut adapter le dispositif de déclaration à l’exportation, ce qui est relativement simple puisque ce sont des évolutions du système existant, mais la France doit surtout intégrer le dispositif de sortie des marchandises déclarées à l’exportation, connectées avec les autres systèmes des États membres. Ainsi, par exemple, pour une déclaration déposée en Allemagne, avec une sortie en France, la mise en place du dispositif est envisagée en fin 2025. La dernière phase consistera à ouvrir le DCC à l’exportation mi-2027.
À propos de l’export, Catherine Amandio mentionne que la Commission européenne prévoit de remplacer ECS par AES pour automatic export system pour automatiser la sortie : c’est donc un changement de système qui améliorera, « on l’espère », les BAE ECS sortie actuels. Sandra Francerie-Deliau ajoute que ce qui sera nouveau, différent, avec ce que la Douane sera en capacité de mettre en œuvre en 2025, c’est un système qui gère comme on le connait aujourd’hui le dédouanement, donc le volet export de Delta IE qui remplacera le G et le X à l’export, et c’est un nouvel applicatif, qui s’appelle SDS pour « suivi de sortie », qui remplacera ECS BS. AES correspond au dédouanement et en plus au suivi de la sortie. Il embarque très peu de nouveauté en termes de dédouanement (à l’exception de quelques éléments comme la possibilité de faire une déclaration de sûreté sécurité, élément qui ne sera pas nécessairement dans la première version non plus). En revanche, en termes de suivi de sortie, c’est plus impactant : il faut répondre aux lignes directrices de la Commission européenne qui prévoient, en termes de nouveauté, une gestion des écarts qui aujourd’hui n’est pas automatisée : elle n’est pas gérée par des messages entre les États membres de départ et de sortie s’agissant de tels écarts qui pourraient être constatés. Il y aura de plus une interconnexion avec EMCS pour les marchandises soumises à accises et avec le système de transit pour les marchandises qui sont initialement sous ce régime-ci. Des États membres sont déjà sous AES, mais c’est transparent pour les opérateurs qui ne le voient donc pas, puisqu’il y a un système de conversion des messages émis sous format AES pour qu’ils soient traités sous ECS en France. L’obligation de la Douane est d’être au rendez-vous lorsque cette conversion prendra fin entre tous les États membres. La DGDDI reviendra ver les opérateurs début 2025, ayant décidé de finaliser d’abord toute la communication import pour les changements de fin 2024, étant précisé que le volet import permet que les opérateurs se familiarisent avec le nouveau jeu de données.
Importance du chainage et donc de la fiabilité de la donnée
Le chainage import correspond à différents systèmes informatiques, ICS2, ANTES, avant de passer à la phase de procédure douanière, soit le dédouanement, soit la réexportation. Pour la déléguée générale de l’ODASCE, l’idée est que ces systèmes se parlent, qu’on récupère des informations de l’un dans l’autre et qu’on ne puisse pas passer au système suivant avant que le précédent soit clos (ce qui actuellement est le cas) : le but est qu’à terme, en 2026, on ne puisse plus dédouaner si les obligations liées à ICS et ANTES n’ont pas été correctement remplies par les différents intervenants de la chaine. Elle souligne qu’on trouve différents intervenants dans une opération – des transporteurs, des handlers, des exploitants de dépôt temporaire et enfin des destinataires –, et que, pour les systèmes, de nombreuses informations, dont certaines d’ordre commercial, sont détenues par l’exportateur ou l’importateur qui doivent les transmettre aux différents intervenants de la chaine, si l’on veut éviter les blocages et donc à terme pouvoir dédouaner. L’avant-dédouanement ne concerne pas que les transporteurs : il faut donc en pratique vérifier les contrats, s’assurer que tout le monde a bien la bonne information au bon moment pour éviter les blocages. Ce point est « très important », souligne aussi Michel Baron : plusieurs formalités se suivent avec des acteurs différents et un jeu de données qui les formalise dorénavant. Et l’objectif, le préalable au chainage, est que, pour une marchandise, la donnée de départ se retrouve à la fin et que, si la donnée de départ n’est pas la bonne, elle soit corrigée en cours de route, que la correction soit faite à l’initiative de la personne qui a la responsabilité de déposer, servir la donnée, ou parce que les autorités douanières sont intervenues et ont procédé à la correction de la donnée. C’est « fondamental », insiste le chef de bureau du bureau de la politique du dédouanement, parce que cela préfigure le projet ultime de la Commission : une seule base de données en matière douanière et non douanière au regard du passage frontière de la marchandise. Et chaque personne a une responsabilité au titre d’une formalité, en l’occurrence s’agissant de l’avant dédouanement, le transporteur, même si ce peut être une autre personne (donc ab initio, le transporteur, même s’il peut décider de confier la responsabilité de compléter la déclaration sommaire d’entrée à une autre personne, qui peut être le chargeur, le handler, celui qui qui va prendre en charge la responsabilité de la marchandise à l’arrivée sur la plateforme portuaire ou aéroportuaire). L’important demeure donc la donnée initiale qui est normée et se retrouve à tous les stades : elle doit donc être fiable. Or, selon Michel baron, c’est là un « gros problème » aujourd’hui sur l’avant-dédouanement, sur les déclarations sommaires d’entrée : il mentionne une « absence de fiabilité de la donnée » qui est préjudiciable pour les opérateurs qui sont obligés de corriger les données, mais aussi pour la Douane qui a pour objectif de contrôler la marchandise présentant un risque. Tout le système européen repose sur l’analyse de risque et le rôle des autorités douanières est donc de réaliser cette analyse. Bien sûr, pour que celle-ci soit correcte, la donnée doit être utilisable, pertinente. De fait, aujourd’hui, une des grosses difficultés que la Douane rencontre, par rapport à ICS1 qui est remplacé progressivement par ICS2, tient justement à l’absence de fiabilité de la donnée. Or, tout acteur du commerce international est partie prenante de cette fiabilité : lorsque dans les données servies par exemple par le transporteur aérien sur sa déclaration sommaire d’entrée pré-arrivée (ce qui correspond à un jeu de données de près de 200 informations) certaines ne sont pas fiables, cela préjudicie à la qualité de l’intervention de la Douane, mais aussi à la capacité des opérateurs du commerce international suivants de prendre en charge correctement la marchandise. C’est donc la responsabilité du détenteur de la donnée ou de celui qui est le redevable de la formalité de recueillir la bonne donnée. Et lorsqu’il ne détient pas forcément cette donnée, il faut la confier à un autre au travers du « remplissage multiple » (multiple filing). Ainsi, dans l’exemple, la compagnie aérienne peut demander à l’opérateur qui prend la marchandise en charge, le handler par exemple à Roissy, de compléter les données par rapport au destinataire ou au code SH par exemple. Pour que le chainage ait un sens, il faut une prise de conscience de chacun que plus la donnée est fiable au départ et plus la chaine fonctionnera de manière fluide : un de ses objectifs est de faire en sorte que, lorsqu’une formalité déclarative a été accomplie, le jeu de données qui a été servi pour la déclaration sommaire d’entrée puisse être utilisé comme tel pour la déclaration de dépôt temporaire ; et ça peut être la même chose pour une déclaration anticipée qui servira d’objet déclaratif pour la formalité suivante. Ainsi, si la donnée initiale est fiable, il n’y a quasiment plus aucun travail à faire. En revanche, si elle ne l’est pas, il faut « rejouer le jeu de donnée ». Il y a donc un enjeu majeur de la donnée servie dès le départ s’agissant d’un acteur qui n’est pas forcément le responsable de la formalité de dédouanement au final.
Pas de maillon faible dans la chaîne. S’agissant de la fiabilité de la donnée, on en revient aux Incoterms « comme toujours », selon Catherine Amandio qui suggère de les revoir ainsi que les contrats pour savoir qui fait quoi, qui est principalement concerné par l’avant-dédouanement (principalement les transporteurs et les logisticiens mais aussi le destinataire final), quelles informations sont données, etc. Des changements de process sont donc à intégrer dans l’entreprise et le personnel doit être formé en conséquence.
Dédouanement : « avant-après »
On a actuellement trois Delta : G, le classique ; X, pour le fret express ; H7 principalement pour l’import du e-commerce inférieur à 150 euros. Delta H7 est déjà formaté avec les spécifications du CDU. À l’import, on ne va plus parler de DAU mais de H1 (ce qui correspond à la colonne du même nom dédiée à l’import dans l’annexe des textes d’application).
Sur le volet import de Delta IE, Sandra Francerie-Deliau rappelle les principaux changements et leur raison qui tient surtout à la transcription dans les outils français de toutes les prescriptions réglementaires du CDU. Concernant les changements, il s’agit d’harmoniser le traitement des marchandises cargo et des marchandises express : on harmonise le processus de traitement, ce qui est selon la Douane un élément de simplification pour les opérateurs qui traitent des deux types de flux. Il s’agit aussi d’avoir aussi un système informatique plus robuste car Delta G et X ne pouvaient pas emporter tous les changements : la Douane a donc mis de côté ces outils pour en créer de nouveaux. Et surtout il s’agit d’un nouveau jeu de données : c’est la fin du DAU et l’abandon de son format 54 cases. C’est sans doute là le changement sur lequel il faut le plus s’attarder en termes d’adaptation. Pour autant, rappelle la douanière, « ce n’est pas une révolution non plus en soi » : les informations sont pour la plupart déjà connues, mais réparties de façon différente et plus affinées s’agissant des données et sous-données. Et en définitive, là aussi, c’est la qualité de la donnée qui est recherchée, sa précision et sa fiabilisation (on va au-delà d’une case 44 du DAU « un peu fourre-tout »). L’idée est donc d’avoir un jeu de données harmonisé pour que tout cela soit compris par tous les États membres de la même manière et par tous les opérateurs qui dédouanent quel que soit l’État membre. C’est là l’esprit du CDU : avoir des processus totalement harmonisés. Et c’est là la difficulté puisque les Delta G et X sont faits pour les opérateur nationaux.
Toujours au titre des changements, Sandra Francerie-Deliau évoque aussi les nouveautés en matière de traitement des garanties, le tout en parallèle avec un projet communautaire qui est d’harmoniser les autorisations de garantie et le traitement des garanties elles-mêmes. Elle ajoute encore le nouveau fonctionnement du « deux temps » : jusqu’ici, une déclaration simplifiée était complétée au fur et à mesure avec une DCG. Mais c’est terminé. Désormais, on met en place ce que le CDU prescrit, une déclaration en douane simplifiée et une déclaration en douane complémentaire. Et la déclaration en douane c’est donc désormais cela avec plusieurs types de déclaration complémentaire : trois types, avec seulement deux types que la Douane sera en capacité de livrer à la première version, le tout avec une globalisation comptable. Pour les opérateurs qui faisaient du « un temps » et des soumissions D48 lorsqu’il leur manquait des documents, demain, il faudra nécessairement faire du « deux temps » avec une autorisation de déclaration simplifiée, parce que les documents manquants sont en fait des données manquantes et que, pour pouvoir dédouaner avec des données manquantes, il faut faire une déclaration simplifiée qui sera complétée une fois que celles-ci auront été récupérées. Cela implique nécessairement des changements de processus chez les RDE et probablement en traitement aussi s’agissant de la certification de la donnée. La Douane va connaitre du sujet avec les opérateurs, en même temps qu’eux : la mise en service du nouveau système permettra de comprendre le comportement des opérateurs sur ce point (et notamment de savoir si l’adaptation se fera simplement et de manière progressive). On s’achemine ainsi vers un chainage avec l’avant-dédouanement, une interconnexion avec tous les États membres et demain avec le DCC (et le projet CCI) à l’import et enfin la généralisation de l’IED pour les opérateurs qui en remplissent les conditions.
S’agissant du planning, Sandra Francerie-Deliau précise que la Douane est toujours dans la mise en production (que les opérateurs ne verront pas). Suivra la mise en service à fin novembre 2024 (des travaux qui auraient dû être terminés cet été perdurent encore pour pouvoir assurer des tests avec succès afin que, au moment de la livraison de Delta, tout fonctionne ; des retards concernent certaines fonctionnalités, dont la rectification et le traitement des documents d’ordre public, les DOP). Une note aux opérateurs définira précisément la date de mise en service et son périmètre et la Douane a d’ores et déjà annoncé qu’il n’y aura pas de dédouanement en DTI (le dédouanement via prodouane ne sera donc pas livré à fin novembre 2024 et la quarantaine d’autorisations pour les entrepôts de type D restera dans Delta G).
Une période de transition est maintenue de fin novembre 2024 à mai 2025 : « c’est très court, surtout si les opérateurs n’intègrent pas Delta Import au moment de sa mise en service », souligne la douanière. Cette période de six mois sert à mettre en place les prérequis, notamment les garanties douanières, les autorisations de déclarations simplifiées le cas échéant (il y aura une période de 6 mois supplémentaire – à fin mai 2025 – pendant lesquels on ne pourra plus faire de déclaration dans Delta G et X : ils fonctionneront seulement si on a besoin de gérer le stock de déclarations existantes et leur laisser terminer leur cycle de vie si elles sont sous contrôle, si elles doivent faire l’objet d’une DCG, etc.).
Se préparer au changement : une « to do list »
Les importateurs (et plus tard les exportateurs) et les RDE sont bien sûr impactés par la refonte, selon Catherine Amandio qui propose une liste d’action pour s’y préparer.
Mise à jour des numéros EORI sur la base du numéro SIREN pour les non OEA (demande à faire dans SOPRANO) ; Sandra Francerie-Deliau rappelle que ce ne sera pas bloquant dans Delta qui arrivera à fonctionner avec les SIREN et SIRET ; s’il y a certes une mise à jour à faire, il ne s’agit pas d’un prérequis à l’intégration des flux dans Delta ; Michel Baron ajoute que le passage au SIREN est une obligation au 31 décembre 2025, sachant que la Douane a de son côté un portail prodouane qui fonctionne seulement au SIRET et qu’elle travaille à faire en sorte que, notamment pour les autorisations de régime particulier qui sont intégrées dans customs decision system (CDS), elle puisse faire la jonction entre le portail national d’entrée de l’opérateur dans les systèmes nationaux mais également dans les systèmes européens ; la DGDDI travaille pour que tout fonctionne au SIREN au 31 décembre 2025, mais, dans l’attente, Delta Import fonctionnera avec les deux ;
Mise à jour des garanties : il faut revoir leur périmètre puisqu’il connait un changement avec les dettes nées et à naitre, notamment pour ceux qui feraient des D48, de la destination particulière (DP) en exonération partielle ou de l’admission temporaire (AT) en exonération partielle, précise la déléguée générale de l’ODASCE ; de plus, les autorisations doivent être basculées dans le système européen (CDS-DP) et, dans celui-ci, il faut « ventiler par régime », ce qui est un travail sensible en entreprise à réaliser avant l’entrée dans Delta Import ;
Mise à jour/vérification des autorisations existantes : si un opérateur avait jusqu’ici une autorisation de D48, désormais il lui faut une autorisation de déclaration simplifiée préalable (parce qu’on ne peut pas en faire la demande sur déclaration, il faut donc anticiper ; voir ci-dessus également) ;
Mise à jour des process en interne : l’ensemble des nouveautés exposées ci-dessus implique de mettre à plat les procédures internes (informatiques, par exemple), mais aussi revoir les contrats avec les partenaires, que ce soit au niveau des données dont on veut disposer (l’importance des Incoterms est à nouveau rappelée) ou au niveau des process de « qui fait quoi » ;
Sensibilisation et formation du personnel à ces nouveaux process.
En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies pour vous proposer des contenus et services adaptés.
En savoir plus
-
Refuser
Accepterx