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« Brèves douanières » au 5 décembre 2024 : jurisprudences

Affaires - Transport
06/12/2024
Les décisions de justice diffusées depuis le 5 novembre 2024 non traitées par ailleurs « dans ces colonnes » sont exposées « en bref ».
Interprétation du CDU par la CJUE : rappel classique
 
À propos de l’article 18 du Code des douanes de l’Union (voir ci-dessous), il est rappelé que « Conformément à une jurisprudence constante, il y a lieu d'interpréter les dispositions du droit de l'Union en tenant compte non seulement de leurs termes, mais également du contexte dans lequel celles-ci s'inscrivent et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elles font partie » (CJUE, 7 nov. 2024, nº C-503/23, Centro di Assistenza Doganale (Cad) Mellano Srl c/ Agenzia delle Dogane e dei Monopoli – Agenzia delle Dogane – Direzione Interregionale per la Liguria et a., point 38).
 
Sur ce sujet, voir 105-18 Cour de justice de l'Union européenne et Tribunal de l'Union européenne dans Le Lamy guide des procédures douanières.
 
Interprétation du CDU par la CJUE : versions linguistiques divergentes
 
À propos de l’article 114 du Code des douanes de l’Union relatif aux intérêts de retard concernant une dette douanière (voir ci-dessous), la CJUE rappelle sa jurisprudence constante s’agissant des versions linguistiques divergentes d’un texte. La traduction en roumain de l’article précité comportant la mention de « pénalité de retard » (et non pas celle d’intérêts de retard), la cour indique en effet à nouveau : « (…) la formulation utilisée dans certaines versions linguistiques d’une disposition du droit de l’Union ne saurait servir de base unique à l’interprétation de cette disposition ou se voir attribuer un caractère prioritaire par rapport aux autres versions linguistiques. En effet, la nécessité d’une application et, dès lors, d’une interprétation uniformes d’un acte de l’Union exclut que celui-ci soit considéré isolément dans l’une de ses versions, mais exige que la disposition en cause soit interprétée en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément, à la lumière, notamment, des versions établies dans toutes les langues ». Pour la CJUE, d’une part, s’agissant de l’économie générale et de la finalité du CDU, « celui-ci n’a pas pour objet de prévoir de sanction ou de pénalité en cas d’infraction à la législation douanière » : en effet, selon le § 1 de l’article 42 de ce même code, c’est aux États membres de prévoir de telles sanctions. D’autre part, dans de nombreuses versions linguistiques (dont celle en français), l’article 114 du CDU se réfère à la notion d’« intérêt de retard » plutôt qu’à celle de « pénalité de retard ». Et la CJUE en déduit « qu’il ne saurait être inféré » de la mention « pénalité de retard » dans la version en langue roumaine de l’article 114 qu’il s’agit bien de l’application d’une telle pénalité, plutôt que la perception d’un intérêt de retard (CJUE, 5 déc. 2024, n° C‑506/23, Network One Distribution SRL c/ Agenţia Naţională de Administrare Fiscală – Direcţia Generală Regională a Finanţelor Publice Bucureşti et a., points 26 et s.).
 
Sur ce sujet, voir 105-18 Cour de justice de l'Union européenne et Tribunal de l'Union européenne dans Le Lamy guide des procédures douanières.
 
RDE : réglementation limitant l’exercice de l’activité
 
Le § 3 de l’article 18 du CDU dispose : « Les États membres peuvent déterminer, conformément au droit de l'Union, les conditions dans lesquelles un représentant en douane peut fournir des services dans l'État membre dans lequel il est établi. Toutefois, sans préjudice de l'application de critères moins stricts par l'État membre concerné, un représentant en douane satisfaisant aux critères fixés à l'article 39, points a) à d), est autorisé à proposer ces services dans un État membre autre que celui dans lequel il est établi ». Pour la CJUE, cela signifie d’une part qu'un représentant en douane souhaitant proposer ses services dans un État membre autre que celui dans lequel il est établi est soumis aux conditions prévues à l'article 39, sous a) à d), de ce code, et ce « sans préjudice de l'application de critères moins stricts par l'État membre concerné », et d’autre part que ces conditions de l’article 39 « ne s'imposent pas, en revanche, au représentant en douane qui fournit ses services dans l'État membre dans lequel il est établi, cet État pouvant déterminer les conditions de fourniture de ces services, sous réserve que celles-ci soient conformes au droit de l'Union » (point 42). Il en résulte, selon cette cour, que le § 3 de cet article 18 ne s'oppose pas à une réglementation nationale qui limite l'exercice de l'activité des RDE sous la forme d'une société de capitaux ayant pour objet social exclusif la prestation de services d'assistance douanière au ressort du département douanier dans lequel cette société a son siège, « pour autant qu'une telle réglementation soit conforme au droit de l'Union » (point 44). Toutefois, une telle réglementation en l’espèce italienne, qui vise certes à garantir l'efficacité des contrôles douaniers, afin de prévenir la fraude douanière et de protéger les destinataires des services d'assistance douanière (objectifs qui sont légitimes), limite l'exercice de l'activité des RDE et s’oppose à l’article 15 de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur : la limitation territoriale qu’elle impose n’est pas appliquée de façon cohérente et l'objectif de garantir l'efficacité de ces contrôles peut être atteint par des mesures moins contraignantes, selon la cour (CJUE, 7 nov. 2024, nº C-503/23, Centro di Assistenza Doganale (Cad) Mellano Srl c/ Agenzia delle Dogane e dei Monopoli – Agenzia delle Dogane – Direzione Interregionale per la Liguria et a.).
 
Sur ce sujet, voir 210-10 Représentant et habilitation dans le CDU dans Le Lamy guide des procédures douanières.
 
Classement des marchandises : nomenclature des produits remboursés par la Sécurité Sociale (non) et décision d’homologation d’un ministère des Transports (non)
 
En 2023, la cour d’appel de Rouen écartait le classement qu’un opérateur avait retenu pour les marchandises qu’il importait au motif notamment qu’il le justifiait (à tort donc selon cette juridiction) par « la conformité du produit à la nomenclature des produits remboursés par la Sécurité Sociale [qui] n'est pas de nature à elle seule à rapporter cette preuve » (voir CA Rouen, 2 mars 2023, n° 21/04700, Direction Régionale des Douanes et des Droits Indirects et a. c/ SM Europe dans « Brèves douanières » au 21 avril 2023, Actualités du droit, 24 avr. 2023). Cette décision est confirmée notamment sur ce point par la Cour de cassation qui donne raison à la cour d’appel d’avoir retenu que « le remboursement de ces marchandises par la Sécurité sociale n'est pas, en soi, de nature à justifier leur classement (…) » (Cass. com., 6 nov. 2024, nº 23-15.126).
 
Jugé, dans le même sens et sous forme de rappel par la Cour de justice de l’UE, à propos d’une décision d’homologation technique du ministère des Transports de la République tchèque utilisée à l’appui de la démonstration d’un classement, « que la manière dont une marchandise est traitée en vertu d’une réglementation nationale poursuivant des objectifs autres que la NC n’est pas déterminante aux fins du classement dans celle-ci. En effet, ce classement doit notamment préserver la cohérence entre l’interprétation de la NC et celle du SH, qui est établi par une convention internationale à laquelle l’Union est partie contractante » (CJUE, 28 nov. 2024, affaires jointes n° C‑129/23 et n° C‑567/23, BG Technik cs a.s. c/ Generální ředitelství cel, point 53).
 
Sur ce sujet, voir n° 310-18 Classifications autres que douanières écartées pour les marchandises dans Le Lamy guide des procédures douanières.
 
Classement des marchandises et destination du produit : quel usage ?
 
S’agissant du classement de véhicules pour invalides, qui pourraient aussi être utilisés par des personnes non invalides (donc valides), la CJUE rappelle classiquement que « la destination de la marchandise peut constituer un critère objectif de classification pour autant qu’elle soit inhérente à une telle marchandise, l’inhérence s’appréciant en fonction des caractéristiques et des propriétés objectives de celle-ci » et ajoute que « le classement tarifaire doit ainsi tenir compte non pas de l’usage possible, mais seulement de l’usage prévu, apprécié sur la base des caractéristiques et des propriétés objectives du produit à la date de son importation » (CJUE, 28 nov. 2024, affaires jointes n° C‑129/23 et n° C‑567/23, BG Technik cs a.s. c/ Generální ředitelství cel, respectivement points 39 et 42, citant, en ce qui concerne l’usage prévu, CJUE, 26 mai 2016, nº C-198/15, Invamed Group Ltd et a. c/ Commissioners for Her Majesty’s Revenue & Customs, point 24).
 
Sur ce sujet, voir n° 320-7 Commentaire de la règle no 1 : destination du produit dans Le Lamy guide des procédures douanières.
 
Règlement de classement : adoption et principe de coopération loyale
 
Un opérateur reproche à la Commission d’avoir, avant l’adoption d’un règlement de classement, violé le principe de coopération loyale, consacré à l’article 4, paragraphe 3, TUE, en ne prenant pas suffisamment en compte la jurisprudence nationale, mais la CJUE écarte l’argument : « il suffit de relever que la Commission n’est pas liée par la jurisprudence d’un État membre lorsqu’elle adopte un règlement de classement. En effet, un tel règlement vise à remédier à une situation d’insécurité juridique pouvant notamment exister en cas de divergences jurisprudentielles ou administratives entre les États membres concernant le classement tarifaire d’une même marchandise » (CJUE, 28 nov. 2024, affaires jointes n° C‑129/23 et n° C‑567/23, BG Technik cs a.s. c/ Generální ředitelství cel, point 53).
 
Sur ce sujet, voir n° 330-25 Règlement de classement tarifaire précisant la NC – Définition dans Le Lamy guide des procédures douanières.
 
 
SPG et mesures de sauvegarde pour les importations de riz Indica originaire du Cambodge et du Myanmar (Birmanie) : exemption de la « clause d’expédition » prouvée par le connaissement et l’embarquement de la marchandise et non par le jour du départ du navire
 
Pour mémoire, pris sur le fondement du règlement no 978/2012 relatif au SPG, le règlement 2019/67 du 16 janvier 2019, avant d'être annulé, a introduit des mesures de sauvegarde pour les importations de riz Indica originaire du Cambodge et du Myanmar (Birmanie) pour trois années. Son article 1er fixe des conditions du rétablissement des droits pour les produits qu'il vise, mais son article 2 prévoit que les importations de ces produits qui sont « déjà en route vers l'Union » à la date d'entrée en vigueur du règlement 2019/67, c'est-à-dire au 18 janvier 2019, ne sont pas soumises à l'application des droits précités, « à condition que la destination de ces produits ne puisse pas être modifiée ». Il s'agit là, selon le point 87 de ce règlement 2019/67, de « garantir la sécurité juridique » des opérateurs qui se sont manifestés en ce sens : « conformément à sa pratique actuelle dans les affaires de sauvegarde, la Commission considère qu'une telle "clause d'expédition" est effectivement justifiée en l'espèce (...) ».
 
Pour la Douane, le terme « expédition » se réfère, s’agissant d’un transport maritime, à la date d'embarquement des marchandises, soit en l'espèce le 18 janvier 2019 qui correspond au jour du départ du navire (l’administration considère notamment que la date du connaissement n’est pas probante eu égard à sa trop grande antériorité par rapport à la date de départ effectif et que le contrat de vente FOB est sans incidence sur l'application des droits douaniers dans la mesure où il ne vise qu'à une répartition des risques entre l'acheteur et le vendeur). Estimant donc que la clause d’exemption ne s’appliquait pas, cette administration a adressé un AMR à l’importateur de riz concerné par ce transport.
Au contraire, pour le tribunal judiciaire de Marseille, la marchandise était déjà en route le 18 janvier 2019, date de l'entrée en vigueur du règlement, et l’exemption de l'article 2 était donc applicable (TJ Marseille, 5 nov. 2024, nº 23/04082, les Silos de X c/ Administration des douanes et droits indirects). Pour retenir cette solution et donc annuler l’AMR, ce juge retient :
  • que le contrat de vente FOB du 14 décembre 2018 oblige le vendeur à livrer la marchandise à l'armateur avec lequel l'acheteur a contracté : il emporte donc transfert de propriété et des risques, mais ne démontre pas la délivrance effective de la chose vendue et donc la sortie de la marchandise du territoire du Myanmar ;
  • que l'acte de connaissement maritime établi le 16 janvier 2019, indiquant comme destination finale un port, « concrétise le contrat de transport maritime, (…) constitue une preuve de la réception des marchandises par le transporteur maritime » et « indique en outre comme date d'embarquement à bord du navire le 16 janvier 2019 » ;
  • et enfin, qu’« il convient donc de retenir cette date [Ndlr : du 16 janvier 2019] comme étant celle du début des opérations de transport dès lors qu'il correspond à celle à laquelle la marchandise a été placée dans le navire en partance pour l'Union européenne, dans ces conditions telles que sa destination n'en pouvait plus être modifiée. Le fait que le navire n'ait effectivement quitté le port que le 22 janvier 2019 n'est pas en soi de nature à remettre en cause la date du connaissement ».
 
Sur le règlement 2019/67 précité, voir « Mesures de sauvegarde dans le SPG : annulation du règlement 2019/67 sur le riz Indica du Cambodge et du Myanmar » dans « Brèves douanières » au 1er décembre 2022, Actualités du droit, 2 déc. 2022 et « Mesures de sauvegarde dans le SPG : épilogue pour les importations de riz Indica du Cambodge et du Myanmar » dans « Brèves douanières » au 15 mars 2024 : textes et informations, Actualités du droit, 18 mars 2024.
 
 
Intérêt de retard de l’article 114 du CDU : pas d’exclusion des pénalités de retard
 
Après avoir retenu que l’article 114 du Code des douanes de l’Union vise bien des « intérêts de retard », même si la version en langue roumaine de ce texte mentionne des « pénalités de retard » (en substance à tort, voir ci-dessus), la CJUE décide que ce texte ne s’oppose pas à ce qu’une législation nationale puisse imposer une pénalité de retard (sous réserve bien sûr de la proportionnalité de cette sanction), en sus des intérêts de retard prévus à cet article (CJUE, 5 déc. 2024, n° C‑506/23, Network One Distribution SRL c/ Agenţia Naţională de Administrare Fiscală – Direcţia Generală Regională a Finanţelor Publice Bucureşti et a., points 31 et s.).
 
Pour arriver à cette solution s’agissant en l’espèce d’une sanction pécuniaire infligée au débiteur qui ne s’est pas acquitté d’une dette à l’échéance prévue, la CJUE rappelle la notion d’« intérêts de retard » et la distingue des sanctions et pénalités de retard.
 
La cour rappelle en effet que, sur le fondement de l’article 232 de l’ex-CDC, elle a retenu que les intérêts de retard « visent (...) à pallier les conséquences découlant du dépassement du délai de paiement et, notamment, à éviter que le débiteur de la dette douanière ne tire indûment avantage du fait que les montants dus au titre de cette dette demeurent à sa disposition au-delà du délai fixé pour l’acquittement de celle-ci » (CJUE, 31 mars 2011, n° C‑546/09, Aurubis Balgaria AD c/ Nachalnik na Mitnitsa Stolichna, anciennement Nachalnik na Mitnitsa Sofia, point 29). Ces intérêts de retard visent donc à compenser les avantages que l’opérateur économique tire indûment du retard pris pour s’acquitter d’une dette fiscale, et non à sanctionner un tel retard (points 31 et 32).
 
Ensuite, la CJUE mentionne que le § 1 de l’article 42 du CDU prévoit, en substance, qu’il revient aux États membres de sanctionner les infractions à la législation douanière et que les sanctions infligées doivent être effectives, proportionnées et dissuasives, le § 2 de cet article précisant que ces sanctions peuvent notamment, comme en l’espèce, prendre la forme d’une charge pécuniaire imposée par les autorités douanières. La cour rappelle sur ce point qu’elle a déjà jugé que, « en l’absence d’harmonisation de la législation de l’Union dans le domaine des sanctions applicables en cas d’inobservation des conditions prévues par un régime institué par la législation douanière, les États membres sont compétents pour choisir les sanctions qui leur semblent appropriées », qu’ils « sont toutefois tenus d’exercer leur compétence dans le respect du droit de l’Union et de ses principes généraux et, par conséquent, dans le respect du principe de proportionnalité » (CJUE, 4 mars 2020, n° C‑655/18, Teritorialna direktsia « Severna morska » kam Agentsia Mitnitsi c/ « Schenker » EOOD, point 42) et que les mesures administratives ou répressives permises par une législation nationale ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire à la réalisation des objectifs légitimement poursuivis par cette législation et, en outre, ne doivent pas être démesurées par rapport auxdits objectifs (même arrêt, point 43). Enfin, la cour ajoute que l’article 5 du règlement no 2988/95 du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, dispose que les irrégularités intentionnelles ou causées par négligence peuvent conduire à des sanctions administratives, à savoir, notamment, le paiement d’un montant excédant les sommes indûment perçues ou éludées, augmentées, le cas échéant, d’intérêts (points 33 et s).
 
Sur ce sujet, voir 1402 Intérêts de retard et dette douanière dans Le Lamy transport, tome 2 et voir 105-38 Sanctions douanières : absence d'harmonisation dans l'UE et proportionnalité dans Le Lamy guide des procédures douanières.

Limitation de la durée cumulée des contrôles douaniers et autres – Expérimentation issue de la loi ESSOC
 
Le principe d'une expérimentation de la limitation de la durée des contrôles (douaniers et non douaniers) sur une durée cumulée de 9 mois (en fait 270 jours) sur une période de trois ans a été posé par l'article 32 de la loi pour un État au service d'une société de confiance, dite ESSOC (L. n° 2018-727, 10 août 2018). Jugé que, si un opérateur n’allègue même pas que le contrôle dont il a été l’objet, qui a duré un peu plus de trois mois, aurait eu une durée excessive, le moyen tiré du vice affectant la procédure d'imposition en litige du fait de la méconnaissance de l’article 32 de la loi ESSOC doit être écarté (TA Lille, 4e ch., 4 novembre 2024, nº 2202867, s’agissant entre autres d’un contrôle de la TVA).
 
Le décret d’application n° 2018-1019 du 21 novembre 2018 prévoit notamment s’agissant de l’obligation pour une administration, lorsqu'elle engage un contrôle à l'encontre d'une entreprise, d’informer celle-ci, à titre indicatif, de la durée de ce contrôle et, avant le terme de la durée annoncée, de toute prolongation de celle-ci, que cette information est communiquée à l'entreprise « par tout moyen ». Ce décret prévoit aussi que, lorsqu’une administration a effectué son contrôle et transmet à l'entreprise concernée les conclusions de ce contrôle et une attestation mentionnant le champ et la durée de celui-ci, cette attestation est communiquée à l'entreprise « par tout moyen ». Jugé qu’il n’y a pas de vice de procédure lorsque les attestations relatives d'une part à la fin de contrôle et d'autre part au champ et à la durée de ce contrôle ont été « remises en mains propres » à un opérateur, l’obligation de communication « par tout moyen » du décret précité étant donc respectée (même arrêt).
 

Droit de visite de l’ancien article 60 du Code des douanes : compatible avec la liberté d’aller et venir de la CEDH
 
1re espèce. – Pour obtenir l’annulation du contrôle d’un véhicule par des douaniers sur le fondement de l’article 60 du Code des douanes dans sa version antérieure à la loi n° 2023-610, une personne invoque l’incompatibilité de ce texte avec l’article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatif à la liberté d’aller et venir. Mais, pour la Cour de cassation, il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH, 15 mai 2012, nº 49458/06, Colon c/ Pays-Bas) « que ne constitue pas une ingérence à la liberté d'aller et venir la possibilité pour une personne d'être interpellée et soumise à une fouille préventive dans certaines zones dès lors qu'elle n'est nullement empêchée d'y pénétrer, d'y circuler et d'en partir » (Cass. crim., 4 déc. 2024, nº 24-82.224, B). Dans cette décision-ci, la Haute cour écarte aussi, d’une part la possibilité d’invoquer l’inconstitutionnalité de l’ancien article 60 après la décision qui l’a affirmée, et d’autre part son incompatibilité avec l’article 8 de la convention précitée relatif au respect de la vie privée, et ce dans des termes identiques à ceux d’un autre arrêt du même jour (voir Droit de visite de l’ancien article 60 du Code des douanes : invoquer son inconstitutionnalité, non, invoquer son incompatibilité avec la CEDH, oui, Actualités du droit, 6 déc. 2024). En l'espèce, le contrôle douanier ayant fait suite à un renseignement sur une remontée depuis le sud de la France de produits stupéfiants par un convoi composé de deux véhicules précisément identifiés, conforté par les constatations des agents des douanes qui ont observé le passage du véhicule ouvreur suivi de celui conduit par la personne précitée, les juges ont relevé que les douaniers ont procédé au contrôle après avoir constaté l'existence de raisons plausibles de soupçonner la commission d'une infraction douanière. Ledit contrôle est donc régulier.
 
2nde espèce. – S’agissant encore du contrôle d’un véhicule sur le fondement de l’ancien article 60, la Cour de cassation retient la même solution quant à la compatibilité de cet article d’une part avec l’article 5 de la convention précitée, et ce dans les mêmes termes que ceux reproduits ci-dessus, et d’autre part avec l’article 8 de la convention précitée et ce dans les mêmes termes que ceux de l’arrêt auquel il est renvoyé ci-dessus, la Haute cour décidant en l’espèce que, le contrôle ayant été opéré en dehors du rayon douanier et des bureaux des douanes, et alors qu'il n'existait pas de raisons plausibles de soupçonner la commission ou la tentative de commission d'une infraction douanière, il est toutefois régulier. En effet, la personne invoquant l’incompatibilité avec l’article 8 ne se prévaut d'aucun grief, autre que sa mise en cause par l'acte critiqué, résultant de cette irrégularité, ce moyen doit donc être écarté (Cass. crim., 4 déc. 2024, nº 24-82.730, B).
 
 
Autorisation de transfert d’arme : refus du SAMIA pour compétence liée
 
Un particulier demande au tribunal administratif d'annuler la décision par laquelle le chef du service des autorisations de mouvements internationaux d'armes (SAMIA) de la DGDDI a rejeté sa demande de délivrance d'un accord préalable pour le transfert et l'introduction du Luxembourg vers la France d'une arme. Le juge rejette sa demande au motif qu’en application de l’article R. 316-20 du Code de la sécurité intérieure, en l'absence d'avis favorable du service central des armes et explosifs (SCEA), le chef du SAMIA « est tenu de rejeter la demande de délivrance d'un accord préalable d'importation pour l'introduction en France d'armes ». En l'espèce, ce dernier était ainsi tenu, « au vu de l'avis défavorable émis par le SCEA », de rejeter la demande d'accord préalable de transfert présentée par le particulier, selon le tribunal, qui ajoute que, « par suite, en raison de cette situation de compétence liée », et parce que les moyens soulevés par le particulier visent exclusivement à remettre en cause la légalité de la décision du chef du SAMIA, l'ensemble des moyens soulevés doivent être écartés comme inopérants (TA Strasbourg, 5e ch., 8 oct. 2024, nº 2301266).